Konstanze Fischer 18 avril 2023
Quatrième jour de combats entre l’armée et les Forces de soutien rapide au Soudan, les FSR. L’issue du conflit est, elle, totalement ouverte.
Avec les tirs et les explosions qui gagnent en intensité, le bilan des victimes civiles s’alourdit d’heure en heure.
Image : Marwan Ali/AP/dpa/picture alliance
Voilà des semaines que le conflit est latent entre le chef de l’armée et dirigeant du pays, le général Abdel Fattah al-Burhane, et son numéro deux, le général Mohamed Hamdane Daglo, dit “Hemedti”, à la tête des FSR.
Si, lors du putsch de 2021, ils avaient uni leurs forces pour évincer les civils du gouvernement, les deux hommes se livrent désormais une lutte sans merci pour le pouvoir.
“Il était clair que l’un des deux revendiquerait seul la plus haute fonction dirigeante.” explique Marina Peter, directrice de l’association “Forum Soudan”. “Pour nous, qui avons observé la situation et surtout pour les Soudanais eux-mêmes, la question n’était plus de savoir si une lutte pour le pouvoir allait avoir lieu, mais seulement quand. La catastrophe était prévisible.”
Pour Marina Peter, la communauté internationale agit trop tardivement
Image : Hermann Bredehorst/Brot für die Welt
La Russie grande amie des FSR
Selon cette experte de la région, les deux généraux rivaux ont de quoi tenir pendant longtemps : lourdement armés, ils sont aussi très riches, ce qui n’est pas pour déplaire à d’éventuels soutiens à l’extérieur.
Les paramilitaires, en particulier, ont noué ces dernières années des contacts à l’étranger en servant comme mercenaires en Libye et au Yémen. Ils entretiennent aussi d’excellents contacts avec la Russie et Hemedti a ouvert les portes du Soudan à la société militaire privée Wagner. Mais le général Burhan a lui aussi des appuis de taille, à commencer par l’Egypte.
A quand le retour des civils au pouvoir ?
Par ailleurs, la question de l’incorporation des paramilitaires au sein de l’armée n’est pas prête de se régler. Or, c’est ce différend qui bloque le retour des civils au pouvoir.
“Les chefs militaires, même s’ils se comportent comme s’ils avaient soudainement découvert la démocratie, n’utilisent ces annonces que comme un vernis”, estime Marina Peter. “On l’a bien vu ces derniers mois : Hemedti a tenté de rallier une partie de la population à sa cause en condamnant le coup d’Etat militaire. On a entendu qu’il était très favorable à la démocratie. Mais tout cela n’est qu’une manœuvre pour s’assurer une meilleure position de départ dans la lutte pour le pouvoir.”
Le général Abdel Fattah al-Burhane, chef de l’armée et, de facto, le dirigeant
du Soudan
Image : Mahmoud Hjaj/AA/picture alliance
Condamnations tardives
Ces derniers jours, la communauté internationale a certes réagi, déploré, condamné … mais toutes ces déclarations arrivent bien trop tard, déplore encore Marina Peter :
“Où sont les Nations unies ? C’est une question que nous nous posons depuis longtemps. Au final, ces derniers mois, aucune figure forte ne s’est vraiment mobilisée en faveur d’une solution diplomatique alors que l’escalade était prévisible. Cela montre à nouveau l’impuissance de la communauté internationale à gérer de telles situations.”
En attendant, alors que plus d’un Soudanais sur trois dépend de l’aide humanitaire, le Programme alimentaire mondial a suspendu dimanche son aide. Une décision prise alors que trois de ses employés ont été tués dans des combats au Darfour, dans l’ouest du pays.
avec la collaboration d’Andreas Noll