Kossivi Tiassou
20 avril 2023
Alors que les combats se poursuivent au Soudan, focus sur les intérêts de certains Etats dans le pays dont le conflit implique de multiples acteurs.
Des civils tentent de fuir les combats à Khartoum
Les affrontements qui ont éclaté samedi entre l’armée et les paramilitaires, les “Rapid Support Forces” (RSF) du général Mohamed Hamdane Daglo, dit “Hemedti” continuent de faire des victimes au Soudan. Des frappes aériennes accrues ont également été signalées dans la capitale Khartoum ces dernières heures entre les forces armées des deux hommes qui se disputent le pouvoir. Mais d’autres Etats ont également des intérêts au Soudan. Le gouvernement égyptien, par exemple, soutient le gouvernement dirigé par le général Abdel Fattah al-Burhane. Mais l’Egypte n’est pas le seul pays cité.
Pour la plupart des spécialistes du Soudan, la crise actuelle est une crise soudano-soudanaise même si, évidemment, elle est très suivie par les Etats de la région, notamment l’Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis et l’Egypte.
Le rôle de l’Egypte
L’Egypte est la plus impliquée, au niveau diplomatique ainsi qu’au niveau militaire en faveur du camp du général al-Burhane, estime le chercheur Roland Marchal.
“On a quand même des preuves parce que des soldats égyptiens ont été arrêtés à l’aéroport militaire de Méroé. Des avions égyptiens ont été partiellement détruits sur cette base. Il y a des témoignages qui accréditent le fait que l’aviation égyptienne, sans doute au moins un avion égyptien, aurait participé au bombardement d’une base des Forces de soutien rapide (RSF) près de l’aéroport de Port Soudan” explique-t-il.
L’Egypte serait plus proche du camp du général al-Burhane (en image)
Et pour Marina Peter, la présidente du Forum Soudan et Soudan du Sud, c’est l’Egypte qui jouerait un rôle important dans la situation actuelle au Soudan.
“L’Egypte aimerait bien avoir un système comme le sien au Soudan, et c’est pourquoi elle a toujours soutenu le général Burhane.
De son côté, Hemedti entretient d’excellentes relations avec l’Erythrée, entretient de bonnes relations avec l’Ethiopie et le Yémen bien sûr. Il entretient aussi d’excellentes relations avec la Russie, la Libye et le Tchad” précise Marina Peter.
La stratégie de la Russie
En ce qui concerne la Russie, le chercheur Roland Marchal estime qu’elle maintient pour l’instant une attitude neutre dans le conflit. Selon lui, même si la Russie et les autres Etats de la région, comme l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis, ont leur préférence, ils ne souhaitent pas l’afficher et n’interviennent pas militairement aux côtés de l’un ou de l’autre camp.
“C’est vrai que les Emirats ont sans doute eu des relations beaucoup plus étroites avec Hemedti qu’avec Burhane. Les Saoudiens étaient un peu en retrait, en ayant des relations avec tout le monde. Mais si vous voulez, fondamentalement ce qui compte pour eux, c’est l’influence. C’est la différence, entre les Emirats arabes unis et l’Egypte. Mais le problème des Emirats ce n’est pas d’avoir Hemedti au pouvoir, c’est d’être influents au Soudan. Ils préfèrent Hemedti parce qu’ils le connaissent et qu’ils n’aiment pas du tout les islamistes qui, aujourd’hui, sont plutôt avec Burhane. Mais ils ne vont pas jusqu’à l’appuyer militairement. Et pour l’Egypte, ce n’est pas seulement une influence. C’est aussi un modèle politique de transition. C’està-dire que les Egyptiens ne veulent pas simplement avoir Burhane. Ils veulent avoir l’armée au pouvoir et ils veulent empêcher à la fois un gouvernement civil et un gouvernement démocratique d’arriver au pouvoir” explique Roland Marchal.
Le général Hemedti rival du général al-Burhane a renforcé ses capacités grâce au déploiement de ses hommes au Yémen
Ce qui est diffèrent des Emirats qui posent beaucoup des conditions, selon Roland Marchal.
La Libye et le Yémen, deux autres acteurs
Le rival du général al-Burhane, Hemedti a, quant à lui, renforcé ses capacités grâce au déploiement de ses hommes au Yémen pour combattre aux côtés des Emiratis, et en Libye pour soutenir le général Haftar.
“Oui, il y a la Libye, il y a surtout le Yémen puisque la participation des Forces de soutien rapide a été massive au Yémen. On parlait d’au moins 6.000 hommes. Je pense que ça a été souvent plus du double, mais l’armée aussi intervenait. Et effectivement, dans cette période-là, ils ont eu à la fois beaucoup d’argent pour payer les troupes qui servaient quand même un peu de chair à canon, et puis aussi beaucoup d’équipements et qui leur ont donné une capacité de frappe qu’on voit hélas aujourd’hui se déployer contre les civils”, a précisé Roland Marchal.
Le Tchad qui entretient aussi de bonnes relations avec les deux hommes a fermé sa frontière avec le Soudan, longue de plus de mille kilomètres en plein désert, et jouxtant la région du Darfour, dans l’ouest du pays.